(Paru sur le blogue de Séquences.)
L’année s’achève et voilà venu le temps des compilations, des discussions sur « ah non, X mérite la deuxième et non la troisième place, Y est bien meilleur que Z, etc. » En tentant de faire un top 10, parce qu’il semblerait que 10 soit la norme, je me suis vite rendu compte qu’il n’y avait pas 10 films cette année que j’avais vraiment envie de défendre (en ne considérant que les films sortis en salles au Québec en 2010, donc rien de visionné en festival). Il y a bien plusieurs bons films, l’année est moins pauvre qu’on l’a souvent répété, mais il y a très peu d’œuvres vraiment marquantes, peu de surprises, pas de coups de cœur ou presque; une qualité égale, mais trop lisse donc, trop confortable. Je me contente ainsi d’un top 4, pour les films qui ressortent vraiment du lot, auquel je greffe dans un ordre aléatoire les autres films qui m’ont plu, mais que j’hésite à placer dans une liste des meilleurs films de l’année pour des raisons diverses (entre autres, pour quelques-uns d’entre eux, le souvenir est trop lointain et certaines discussions tenues après les avoir vus me font croire que je les réévaluerais à la baisse si je les revoyais). Pour accompagner cette maigre liste, j’ai préparé ma propre remise de prix pour souligner les moments forts et moins forts de l’année, pour ressusciter quelques souvenirs, pour récompenser ou réprimander de façon bien personnelle ces films ou ces artistes qui ont marqué mon année cinéma 2010.
Top 4!
Oncle Boonmee d’Apichatpong Weerasethakul (pas de grosse surprise ici)
Le Ruban Blanc de Michael Haneke
Mother de Bong Joon-ho
The Social Network de David Fincher
Et le reste :
The Killer Inside Me de Michael Winterbottom (sortie en DVD seulement au Québec, un grand malheur)
Un Prophète de Jacques Audiard
Hereafter de Clint Eastwood
The American d’Anton Corbijn
Fish Tank d’Andrea Arnold
Les signes vitaux de Sophie Deraspe
Curling de Denis Côté
The Other Guys de Adam McKay
The Fighter de David O. Russell
The Ghost writer de Roman Polanski
Scott Pilgrim vs The World d’Edgar Wright
Les Amours imaginaires de Xavier Dolan
Et pour ma première cérémonie de remise de trophées maintenant (je n’ai pas trouvé de nom, alors si vous avez des suggestions…):
Mise en scène de l’année
Bong Joon-ho pour Mother ex aequo avec Michael Haneke pour Le Ruban Blanc
Meilleur acteur qui va passer inaperçu dans les remises de prix officielles
Casey Affleck pour The Killer Inside Me (qui a aussi le droit à la meilleure narration en voix off depuis le dernier film de Terrence Malick)
Mère de l’année
Hye-ja Kim dans Mother (évidemment)
Meilleur acteur dans son propre rôle
Mickey O’Keefe, l’entraîneur de Mickey Ward dans The Fighter ex aequo avec Leonardo DiCaprio, pour Shutter Island et Inception (il faudrait arrêter de lui donner le rôle du gars troublé qui vit avec un passé de regret et de culpabilité insurmontable, c’est un excellent acteur qui s’est enfermé récemment dans cette intensité réfrénée qu’il joue en réutilisant toujours les mêmes tics et expressions)
Scène la plus jouissive avec Mathieu Amalric
La scène au poste de police et l’interrogatoire dans Les Herbes folles d’Alain Resnais
Utilisation la plus douteuse d’acteurs québécois dans le rôle de personnages libanais
Incendies de Denis Villeneuve
Meilleure interprétation d’une quille triste
Emmanuel Bilodeau dans Curling
Meilleur film que je n’ai pas vu
Carlos d’Olivier Assayas
Pire film que je n’ai pas vu
127 Hours de Danny Boyle (il y a sûrement pire, mais pourquoi s’acharner sur des films comme Marmaduke?)
Film pour lequel je comprends le moins l’engouement critique
Winter’s Bone de Debra Granik
Meilleure sortie DVD d’un film qui n’a jamais pris l’affiche à Montréal
The Man from London de Belà Tarr
Dialogue explicatif le plus patent
Cyrus des frères Duplass, pour toutes ces discussions « matures » où les personnages expliquent leur psychologie, ex aequo avec Black Swan de Darren Aronofsky, quand Vincent Cassel dit au début du film « Everybody knows the story of Swan Lake, but I’m gonna explain it again anyway ». Après ça, si le spectateur ne sait pas exactement où le film s’en va…
Soulignement le plus grossier des enjeux d’une scène
The King’s Speech, alors que le roi s’apprête à faire son premier discours public important, à la fin du film, un figurant qu’on n’a jamais vu auparavant s’autorise, en gros plan, à parler au roi, et au spectateur, pour déclarer : « This is your greatest challenge yet, sir. » Il ne manque plus qu’une cheerleader qui se promène au bas de l’écran avec une pancarte annonçant « climax ».
Réplique finale la plus désolante
The Social Network, « You’re not an asshole, Mark. You’re just trying so hard to be. », dommage pour un film qui évitait jusque-là ce genre d’explication navrante de simplicité.
Meilleure réplique de Dolph Lungren
« But I like to hang pirates! » dans The Expendables de Sylvester Stallone
Trame sonore la plus subtile
Trent Reznor et Atticus Ross pour The Social Network, une musique toujours présente, mais en arrière-plan, qui module le film sans qu’on en prenne vraiment conscience.
Avec mention spéciale à Herbert Grönemeyer pour The American
Trame sonore la moins subtile
Hans Zimmer pour Inception, omniprésente et tonitruante, surlignant toutes les émotions même quand il n’y a rien dans les images, elle a tout des pires travers des musiques de film.
Meilleure utilisation de la musique des Sonics dans un film
Tournée de Mathieu Amalric
Meilleure utilisation d’un guitariste des Jaguars et des Sinners dans un film
Les signes vitaux de Sophie Deraspe, avec Arthur Cossette
Ces directions photo qui risquent malheureusement de passer inaperçues
Harris Savides pour Greenberg
Marcel Zyskind pour The Killer Inside Me
Tom Stern pour Hereafter
Meilleur film que j’ai redécouvert cette année, ne l’ayant pas revu depuis une dizaine d’années
L’ange exterminateur de Luis Bunuel
Meilleur film que j’ai redécouvert cette année, ne l’ayant pas revu depuis une dizaine d’années
L’ange exterminateur de Luis Bunuel
Meilleurs classiques vus pour la première fois cette année
They Live By Night de Nicholas Ray, Scarlet Street de Fritz Lang, High and Low d’Akira Kurosawa et Berlin Alexanderplatz de R.W. Fassbinder
Ces films où j’aurais mieux fait dormir
Cyrus
Confessions de Tetsuya Nakashima
Décès le plus troublant de l’année
Dure catégorie, avec Rohmer, Chabrol, Satochi Kon et pas plus tard qu’hier Blake Edwards, mais j’y vais pour le plus jeune avec Satochi Kon, dont les films d’animation me sont très précieux.
Cinéaste le plus important qu’il a fallu que j’attende la mort pour commencer à m’y intéresser
Éric Rohmer
Film le plus vif par un réalisateur de plus de 80 ans
Je n’ai pas vu le dernier Manoel de Oliveira, alors Les herbes folles d’Alain Resnais.
Meilleure ballerine
Mark Wahlberg dans The Other Guys (désolé Nathalie Portman, mais pourquoi s’entraîner pendant un an si de toute façon on va passer 99% du film en gros plan sur un visage?)
Mention spéciale au court métrage pour la chanson Runaway de Kanye West
Meilleure utilisation du hors champ
Le Ruban Blanc
Meilleure utilisation du bleu dans un film
Film Socialisme de Jean-Luc Godard
Meilleure utilisation du défunt format 1 : 33 dans un film
Fish Tank
Meilleure utilisation du ralenti dans un film
Les amours imaginaires ex aequo avec Inception (le ralenti comme substitut à l’usuel décompte d’une minuterie pour créer la tension)
Métaphore la plus banale
L’ascenseur pour descendre dans la conscience de Leonardo DiCaprio dans Inception, avec son souvenir le plus refoulé au sous-sol
Justification la moins convaincante pour un film de torture-porn
Srđan Spasojević pour A Serbian Film, qui dit vouloir représenter les horreurs de son pays commis envers son propre peuple en montrant un nouveau-né se faire violer et un oeil crevé par un phallus d’acteur porno (un peu de mauvaise foi, je n’ai pas vu le film, mais l’argument est mince…)
Meilleur retour en arrière
Will Ferrell dans The Other Guys qui raconte son passé de pimp.
Meilleures scènes d’ouverture
Oncle Boonmee
Black Swan
Mother
The Social Network
Meilleurs derniers plans
Le Ruban Blanc
Mother
The American
Un prophète
The Ghost Writer
Meilleure scène d’action
La dernière bobine de The Expendables
Meilleur moment LOL
La police vegan de Scott Pilgrim vs The World
Will Ferrell et Mark Walhberg dans The Other Guys, qui en se roulant à terre après avoir survécu à une explosion, débattent sur le réalisme des explosions dans Star Wars
Dans Get Him to the Greek, Jonah Hill qui répond sans conviction à son patron qui lui dit lui faire un « mind fuck », « I hope you have a condom ‘cause I have a dirty mind. »
Plus belle scène de sexe
Oncle Boonmee, entre la princesse et le poisson-chat
Meilleur moment de nostalgie
La rencontre entre Sylvester Stallone, Bruce Willis et Arnold Schwarzenegger dans The Expendables
Le plan le plus mal compris de l’année
Le visage écrasé de Jessica Alba dans The Killer Inside Me ex aequo avec le dernier plan d’Inception (on s’en fout si elle tombe ou non la toupie, l’important c’est qu’il lui tourne le dos! C’est ben pour dire, c’est le seul plan du film où Nolan travaille sur une mise en scène en profondeur, une interaction entre l’avant et l’arrière-plan, et plus personne ne sait lire l’image…)
Pire plan de l’année
À peu près n’importe quoi tiré de Filière 13 de Patrick Huard, mais particulièrement les scènes de Guillaume Lemay-Thivierge déguisé en homme de ménage efféminé.
Le thème de l’année
Le virtuel pour régler ses problèmes réels, comme souligné dans un article récent du Guardian, à partir d’Avatar jusqu’à Tron, en passant par Inception, Scott Pilgrim, The Social Network et Shutter Island (une mise en scène pour guérir la folie), il vaut mieux fuir le réel dans sa représentation que de continuer à y vivre avec tous nos malheurs et nos handicaps.
Pochette Criterion de l’année
D’autres candidats ici ou ici.
Meilleur article que je n’ai pas eu le temps d’aborder cette année
À quoi sert la critique de cinéma, par Jean-Michel Frodon (mais dans le fond je n’ai rien à y rajouter)
Film qui a reçu le plus de prix et dont a trop parlé, car ce n’est pas un si bon film que ça malgré qu’il soit fascinant à analyser
Faut-il vraiment le répéter?
Et pour prendre un peu d’avance :
Meilleur film de 2011
The Tree of Life, de Terrence Malick
Projet qui pourrait me réconcilier avec la télévision
Le remake de Mildred Pierce par Todd Haynes
Ma note pour l’année 2010
6/10
Sur ce, joyeuses fêtes! Et on se revoit l’année prochaine.
Merci Sylvain de ce retour original sur l’année 2010. Voici ma tentative du même exercice:
Meilleurs films (projetés pour la 1ere fois à Montréal en 2010, incluant les festivals)
ONCLE BOONMEE
ANIMAL KINGDOM
LE PROPHÈTE
FISH TANK
LOLA
LA DANSE
THE WOMAN WITH THE 5 ELEPHANTS
LE QUATTRO VOLTE
CARLOS
MAMMUTH
HADEWIJCH
THE DITCH
À L’ORIGINE D’UN CRI
WHITE MATERIAL
Meilleures performances
Edgar Ramirez dans CARLOS
Tahar Rahim dans LE PROPHÈTE
Vincent Cassel dans MESRINE
Jean Lapointe dans À L’ORIGINE D’UN CRI
Doona Bae dans AIR DOLL
Giovanna Mezzogiorno dans VINCERE
Jackie Weaver dans ANIMAL KINGDOM
Kathie Jarvis dans FISH TANK
Meilleure performance animal
Le chien dans LE QUATTRO VOLTE, une des grandes performances de l’année
Mention spéciale au chevreuil anticipé dans LE PROPHÈTE
Meilleure performance d’un objet
Le pneu dans RUBBER
Mention spéciale à la toupie dans INCEPTION
Meilleure scène de prestigitation
Raphaël Lacaille dans JO POUR JONATHAN
Meilleurs effets spéciaux ou trucage
Le singe aux yeux rouges dans ONCLE BOONMEE
Pire séquence de l’année
Le fameux « 1+1= 1 » et la réaction de Mélissa Desormeaux-Poulin dans INCENDIES
Meilleure séquence d’ouverture
La scène du divan dans ANIMAL KINGDOM
Mention spéciale à la sortie de la valise d’une auto dans RUBBER
Meilleur dernier plan
Sans aucune compétition LE PROPHÈTE
Meilleure scène d’action
La scène de la tranchée dans ARMADILLO
Plus belle scène de sexe (avec une twist)
Natalie Portman qui se caresse sans savoir que sa mère est juste à côté d’elle dans BLACK SWAN
Mention spéciale à Itsuji Itao qui gonfle et dégonfle Doona Bae dans AIR DOLL
Moins belle scène de sexe
La pénétration d’un point de vue interne dans ENTER THE VOID
Mention spéciale à Gérard Depardieu pour sa branlette avec son cousin dans MAMMUTH
Scène la plus insupportable
Le repas d’un des détenus (qui consistait au repas d’un autre qu’il a disons…expulsé de son corps) dans THE DITCH de Wang Bing
Meilleure utilisation du hors champ
Scène d’ouverture dans À L’ORIGINE D’UN CRI
Film dont j’ai quitté la salle avant la fin (cela m’arrive pratiquement jamais)
CONFESSIONS, tout simplement insupportable
Meilleurs classiques vus pour la première fois cette année
LE COMBAT DANS L’ÎLE et THÉRÈSE d’Alain Cavalier
YOYO de Pierre Étaix