« [Walter] Benjamin appelle cela un analphabétisme de l’image : si ce que vous regardez n’appelle en vous que clichés linguistiques, alors vous êtes devant un cliché visuel, et non devant une expérience photographique. Si vous vous trouvez, au contraire, devant une telle expérience, la lisibilité des images n’ira justement plus de soi, car privée de ses clichés, de ses habitudes : elle supposera d’abord le suspens, la mutité provisoire devant un objet visuel qui vous laisse interloqués, dépossédés de votre capacité à lui donner sens, voire même à le décrire; elle imposera, ensuite, la construction de ce silence en un travail du langage capable d’opérer une critique de ses propres clichés. Une image bien regardée serait donc une image ayant su interloquer, puis renouveler notre langage, donc notre pensée. »
Georges Didi-Huberman, L’image brûle, 2004